La guerre de l’information – David Colon – résumé
Dès les premières pages, La guerre de l’information révèle une vérité brutale : nous sommes tous embarqués dans un conflit invisible, une guerre totale menée par des puissances étatiques et non étatiques à travers le contrôle des flux informationnels. Cette guerre n’épargne personne. Chacun, volontairement ou non, devient un combattant, une cible ou un relai dans un affrontement planétaire où les récits façonnent les croyances, orientent les comportements, et définissent les rapports de force entre nations.
L’ouvrage s’ouvre sur un moment clé : la manipulation médiatique orchestrée autour de la guerre du Golfe en 1990, avec le faux témoignage d’une jeune Koweïtienne décrivant des atrocités imaginaires. Cet événement marque le basculement dans une nouvelle ère : celle où les images, les récits et les émotions priment sur les faits, où l’information devient arme stratégique. Dès lors, chaque guerre devient une guerre de l’information.
David Colon retrace comment les États-Unis, pionniers dans l’exploitation des techniques de communication, ont institutionnalisé l’usage de la propagande dès la guerre froide. L’USIA (United States Information Agency), la diplomatie publique, la voix de l’Amérique : autant d’instruments mobilisés pour défendre leur modèle et influencer les opinions dans les zones géopolitiques sensibles. En parallèle, d’autres puissances s’inspirent de ces pratiques, les adaptent, les affinent. La Chine, la Russie, l’Iran, puis les groupes terroristes tels que Daech développent leurs propres stratégies informationnelles, souvent plus souples, plus virales, plus percutantes.
Colon explore ensuite l’impact décisif du numérique. La généralisation d’Internet, puis l’explosion des réseaux sociaux, a redistribué les cartes. Les États perdent le monopole de l’information. De nouveaux acteurs émergent. Les hackers, les trolls, les bots, les influenceurs deviennent des soldats d’une guerre asymétrique. Des opérations menées depuis un simple clavier peuvent déstabiliser des élections, semer le chaos, diviser une population, affaiblir une démocratie.
La Russie, notamment, se distingue par une stratégie d’influence méthodique. Son arsenal repose sur la désinformation, les campagnes de déstabilisation, le brouillage cognitif et l’amplification artificielle des tensions sociales. L’affaire des trolls de Saint-Pétersbourg, les opérations de la célèbre Internet Research Agency ou encore la guerre informationnelle autour de l’annexion de la Crimée en 2014 en sont des exemples emblématiques.
L’auteur aborde aussi la montée en puissance de la Chine, qui, par une utilisation coordonnée des médias d’État, des influenceurs et des plateformes numériques, construit une image idéalisée de son régime et exporte ses récits, tout en censurant sévèrement l’opinion intérieure. La stratégie dite des « trois guerres » (psychologique, médiatique et juridique) constitue un pilier de sa doctrine.
Mais la menace ne vient pas uniquement de l’extérieur. Les démocraties ont elles-mêmes contribué à leur fragilisation en laissant prospérer des systèmes de diffusion de l’information motivés par les logiques du marché, de l’instantané, du clic. L’infobésité, les algorithmes, la polarisation des opinions, les bulles informationnelles : autant de dynamiques qui affaiblissent le socle commun de vérité et la capacité des citoyens à exercer un jugement éclairé.
L’ouvrage revient aussi longuement sur le cas de Daech, qui a su faire de la communication un levier de recrutement, de terreur et de domination symbolique. Par la maîtrise des codes visuels, des réseaux, de la narration, le groupe a imposé une présence planétaire disproportionnée par rapport à ses moyens militaires. Une guerre psychologique menée à coups de vidéos, de tweets, de hashtags et de slogans calibrés.
Dans les derniers chapitres, David Colon explore les réponses, encore balbutiantes, apportées par les démocraties. Il évoque les initiatives de contre-discours, les stratégies d’inoculation cognitive, les campagnes de sensibilisation, mais souligne aussi les limites de ces démarches face à des adversaires plus agiles et moins contraints par des principes éthiques. Il insiste sur la nécessité d’un sursaut collectif, d’une défense lucide et résolue de l’espace informationnel démocratique.
Le livre se clôt sur un appel à la reconquête du récit démocratique. Face à la prolifération des discours clivants, mensongers ou nihilistes, il s’agit de proposer une vision fédératrice, ancrée dans la vérité, la liberté et la responsabilité. La guerre de l’information ne se gagnera pas uniquement avec des outils technologiques, mais avec une mobilisation des intelligences, des consciences et des volontés.
Dans ce récit dense et documenté, David Colon montre que l’information, loin d’être un simple vecteur de connaissance, est devenue un théâtre d’affrontement central de notre époque. Et que, dans cette guerre silencieuse, la première bataille est celle de la lucidité.
3 points clés de La guerre de l’information à connaître pour faire semblant de l’avoir lu alors qu’on ne l’a pas lu
- Le faux témoignage de Nayirah en 1990
Lors d’une audition au Congrès américain, une jeune Koweïtienne de 15 ans affirme avoir vu des soldats irakiens arracher des bébés des couveuses pour les laisser mourir sur le sol. Ce récit bouleverse l’opinion publique et facilite l’entrée en guerre des États-Unis contre l’Irak. Ce témoignage s’avère plus tard fabriqué par une agence de relations publiques rémunérée par le gouvernement koweïtien. Nayirah est en réalité la fille de l’ambassadeur du Koweït à Washington. - L’usage massif de la guerre psychologique (PsyOps) par les États-Unis
Pendant la guerre du Golfe, l’armée américaine orchestre minutieusement la perception du conflit à travers des images de missiles « intelligents », une communication verrouillée aux journalistes, et la diffusion d’images montées pour présenter une guerre « propre ». Le Pentagone va jusqu’à faire filmer des cercueils vides en Arabie saoudite pour intimider Saddam Hussein et manipuler l’opinion publique mondiale. - La stratégie des “trois guerres” de la Chine
Le régime chinois intègre depuis les années 2000 une doctrine fondée sur trois axes : la guerre psychologique (influencer l’esprit des adversaires), la guerre de l’opinion publique (orienter les perceptions internationales) et la guerre juridique (utiliser le droit international comme arme). Cette stratégie, qui allie propagande, diplomatie d’influence et encadrement juridique, est désormais un pilier central de sa politique extérieure.
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